Hélène d’Œttingen, Journal d’une étrangère. Chroniques d’amour et de guerre 1914-1918, édité et annoté par Barbara Meazzi, suivi des Lettres à Hélène d’Œttingen 1914-1917, traduites du russe et annotées par Régis Gayraud, Paris, Editions Le Minotaure, 2016, ISBN: 978-2-916775-33-3.
En 1931, la poétesse Hélène d’Œttingen – dite Roch Grey – achève la rédaction du manuscrit du Journal d’une étrangère, inédit jusqu’à aujourd’hui, et dont la première rédaction remonterait à 1914-1915. Le Journal, transcrit et annoté par Barbara Meazzi, est organisé en trois parties, plus une quatrième restée à l’état de brouillon dactylographié : dans la première, il est question de la mobilisation, à Paris, en août 1914 ; la deuxième partie est une rêverie poétique et littéraire, alors que dans la troisième, la protagoniste commente les récits d’un « ami infirmier » travaillant dans un hôpital auprès des blessées de guerre ; la dernière partie contient des considérations très sombres et négatives sur Nice et la Côte d’Azur. En arrière fond du Journal, la vie d’Hélène d’Œttingen et de son cousin, le peintre cubiste Serge Férat, pendant la Première Guerre mondiale : c’est lui l’« ami infirmier » qui avait travaillé à l’Hôpital italien à Paris, là où avait été recueilli Guillaume Apollinaire en 1916.
La publication du Journal d’une étrangère est accompagnée des lettres que Serge Férat adresse à Hélène entre 1914 et 1917. Malgré l’éloignement géographique et les différences de condition de vie – elle le plus souvent sur la Côte d’Azur, lui le plus souvent dans l’atmosphère lugubre d’un hôpital militaire – on lit dans les non-dits, ou au contraire dans l’exagération des formules devenues rituelles, la connivence de ceux qui sont davantage qu’un couple, et davantage aussi que de simples cousins, deux complices liés depuis longtemps par une destinée commune, des goûts communs, une volonté créatrice commune. Apollinaire, Picasso, Irène Lagut, Survage, Reverdy et Nord-Sud, Les Mamelles de Tirésias, Charchoune et bien d’autres personnages apparaissent, dans les lettres. Serge et Hélène ont, peut-être sans en être conscients eux-mêmes, mus sûrement grâce à leur amitié pour Apollinaire, choisi la voie la plus moderne, la plus forte, celle qui mènera au dadaïsme et au surréalisme, lesquels paradoxalement, les engloutiront à leur tour.
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