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Centre de la Méditerranée Moderne et Contemporaine
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Argumentaire détaillé

« Le consul, figure de l’intermédiation marchande (Europe et monde méditerranéen, XVIIe-XIXe siècles) »

 

 

            Les travaux récents sur les agents consulaires européens ont porté sur la chronologie de la mise en place du réseau consulaire européen à l’époque moderne, sur la diversité des missions qui étaient confiées aux consuls et sur la variété de leurs statuts – ils sont des agents de l’Etat au sein du réseau consulaire français, des commerçants privés pour les autres nations (Jörg Ulbert et Gérard Le Bouëdec (dir.), La fonction consulaire à l’époque moderne, Rennes, 2006). Des enquêtes prosopographiques de grande ampleur ont par ailleurs été menées sur le déroulement des carrières consulaires qui sont tantôt marquées par la mobilité, tantôt, au contraire, par la constitution de « dynasties » locales (Anne Mézin, Les consuls de France au siècle des Lumières, [1715-1792], Paris, 1997, Nicole Bensacq-Tixier, Histoire des diplomates et consuls français en Chine (1840-1912), Paris, 2008.). Le thème de l’insertion des consuls dans leur contexte social et institutionnel local, tout autant que celui de leur rôle dans la circulation de l’information, commerciale ou diplomatique, ont également été abordés, comme en ont témoigné les colloques organisés à Nice et à Séville sur le sujet à l’automne 2011 et à l’automne 2012. En revanche, les études consacrées aux fonctions assumées par les consuls dans l’intermédiation marchande proprement dite demeurent rares (cf. par exemple, la contribution de Marc Belissa à l’ouvrage collectif L’information économique, XVIe-XIXe siècle, Paris, 2008). Pourtant, qu’ils soient pourvoyeurs d’information vis-à-vis des ressortissants placés sous leur juridiction ou arbitres dans des différends commerciaux, lobbyistes face aux autorités locales ou entremetteurs au sein de leur communauté, les modalités d’intervention des agents consulaires dans la réduction de l’incertitude marchande et dans l’optimisation des transactions commerciales sont multiples. Poser la question du consul en tant que figure de l’intermédiation marchande, c’est donc s’interroger sur l’efficacité des services commerciaux assumés par les consuls auprès de leurs administrés et, à plus grande échelle, sur le rôle qu’ils ont joué dans le décloisonnement des espaces marchands européens et sur leur capacité à constituer et à incarner un réel « service public » de l’intermédiation marchande, susceptible de concurrencer dans leurs fonctions d’information et de coordination, les réseaux privés et de rendre leur recours moins nécessaire.

Dans cette perspective, nous souhaitons engager une réflexion sur quatre aspects de ces fonctions marchandes des consuls qui nous semblent devoir plus précisément être placées au centre des préoccupations du présent programme de recherche :

          Concernant l’information commerciale, il faut poursuivre la réflexion ouverte dans D. Margairaz et P. Minard, L’information économique, XVIe-XIXe siècles (Paris, 2008), notamment par les contributions de Claire Lemercier et Marc Belissa et s’interroger plus directement sur l’utilité et l’utilisation des informations commerciales collectées par les consuls : lorsqu’elles étaient adressées aux services administratifs centraux étaient-elles redistribuées vers les milieux d’affaires ou simplement archivées ? Existait-il, par ailleurs, des connexions directes entre les consuls et les milieux d’affaires (correspondances privées, via le relais des Chambres de Commerce ou contacts personnels directs, noués dans le cadre d’une sociabilité locale) ? Enfin, retrouve-t-on la trace de décisions économiques et commerciales fondées explicitement sur l’exploitation d’informations fournies par des agents consulaires ?

          Un deuxième aspect, absolument essentiel pour la thématique étudié, est celui des fonctions judiciaires des consuls. Bien identifiées dans l’Empire ottoman, ces prérogatives sont en revanche moins bien connues dans les pays européens et ont laissé très peu de traces (sauf cas particulier, comme celui de la course). Il est pourtant certain, et avéré par des sources indirectes, que les consuls jouaient un rôle important d’arbitre dans les litiges survenus parmi leurs administrés locaux et qu’ils offraient par ailleurs une possibilité de recours pour des affaires liant leurs administrés locaux à leurs compatriotes demeurés au pays. Une connaissance plus précise de ces fonctions et du rôle que jouait cette autorité consulaire dans la sécurisation des transactions marchandes, pourrait par exemple contribuer à une meilleure compréhension de certains phénomènes diasporiques constatés par les historiens et trop souvent expliqués, jusqu’alors, par des mécanismes de préférence identitaire.

          Un troisième thème concerne les fonctions de défense des intérêts économiques nationaux assurés par les consuls. La question du lobbying et des pressions exercées sur les autorités locales ou centrales, notamment pour défendre les privilèges des nations, ont été déjà largement étudiées. En revanche, des opérations beaucoup plus informelles demeurent méconnues : ainsi, certains consuls n’hésitaient-ils pas à couvrir les opérations de contrebande de leurs administrés, d’autres à les organiser sous forme de coalition ou de syndicat, de manière à limiter les pratiques de concurrence au sein de la communauté et à opposer un front commun, sur le marché, face aux autres acteurs locaux.

          Le quatrième thème, enfin, est transversal, puisqu’il porte, plus généralement, sur l’établissement d’études chronologiques fines éclairant les liens entre construction du réseau consulaire et développement des communautés de marchands étrangers. Clairement, il s’agit de réunir suffisamment de cas empiriques pour déterminer si, en général, le réseau consulaire se structure sur la base de communautés marchandes déjà préétablies ou si, au contraire, c’est sa création qui suscite l’installation des marchands

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